biographie

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Pierre-Yves Vaucher, la passion de la nature

Naturaliste amateur, Pierre-Yves Vaucher souhaiterait que l’on réapprenne à vivre avec les animaux.

Les lecteurs du bulletin municipal le connaissent bien : Pierre-Yves Vaucher est l’auteur des pages du naturaliste, une rubrique qui propose de découvrir la faune qui peuple nos jardins. Crapaud accoucheur, fouine, couleuvre à collier… n’ont désormais plus de secret pour les habitants. Infirmier d’origine genevoise, Pierre-Yves est fasciné par la faune depuis l’âge de 8 ans. « Mon père, qui avait pour grande passion la nature, était un grand voyageur. Il me ramenait des vipères de ses périples. J’ai eu 150 serpents venimeux quand j’étais gamin. » explique-t-il. «On passait notre temps à soulever les pierres et à observer ce qui nous entourait. » A l’époque, il collectionnait les papillons, chassés dans le bois de Jussy. Mais aujourd’hui, la culture intensive, les pesticides, l’importation de haies exotiques… ont fait disparaître de nombreux insectes. « Les gens ne savent plus vivre en bonne intelligence avec la nature. Ils habitent à la campagne mais ils ne veulent pas en avoir les inconvénients » se désole le naturaliste. « Et les enfants, ils passent leur temps devant la console vidéo. Alors qu’il suffirait d’installer une mangeoire pour faire connaissance avec les oiseaux. »

A l’heure où les NAC , entendez les Nouveaux Animaux de Compagnie (serpents, scorpions et autres charmantes bébêtes), sont à la mode, Pierre-Yves Vaucher essaye d’attirer l’attention sur la nécessité d’une bonne culture générale avant tout achat. « Les gens ne s’intéressent qu’aux mutations et aux couleurs. Ils ne se renseignent pas sur les moyens, leur capacité à s’approvisionner en nourriture, les maladies… » constate-t-il. Et les étangs aux alentours finissent pas être envahis de bestioles jugées un peu trop encombrantes !

Le Messager – 12 janvier 2006

A écouter en lisant:

Biographie herpétologique: interview réalisé par L. Moeremans (octobre 2003).

Bonjour Pierre-Yves,
Merci de m’avoir octroyé quelques instants de ton précieux temps pour répondre à quelques-unes de mes questions. Ton nom de famille « Vaucher », est un nom très connu, ton père, naturaliste, est auteur de plusieurs livres fort recommandables. Ne dit on pas tel père, tel fils ? Est-ce vrai? L’intérêt de ton père pour la faune, est-ce cela qui a déclenché ta passion ?

Tout d’abord, bonjour ! Je suis né en octobre 1956 à Genève, Suisse. Mes souvenirs herpétologiques remontent à 1966, grosso modo. A cette époque, mon père se rendait 2 fois par an en Afrique de l’est (Kenya, Ouganda et Tanzanie) pour sa passion de naturaliste. Un jour, il a ramené une vipère heurtante (Bitis arietans) logée dans un étui à jumelles dans sa valise; le pire, c’est que la valise s’est perdue à Londres avant d’arriver à Genève. La pauvre bête a fini dans l’alcool au Muséum de Genève… Peu de temps après, j’ai demandé fréquemment à mon père de m’emmener le dimanche à la recherche de couleuvres, vipères, crapauds, grenouilles. Rendez vous sur la page de mes souvenirs d’enfance.

La première capture de vipère se fit à la montagne, dans le canton du Valais, au grand dam de ma mère: je dévalai la pente avec un bocal de Nescafé et le plaçai sur la trajectoire du serpent. Je n’eus plus qu’à refermer le couvercle et la ramenai à la maison. Elle fut installée dans un terrarium, ou plutôt un vieil aquarium durant quelques temps avant de la rendre à Dame Nature qui en fit meilleur usage.
La question de l’alimentation fut cruciale: je n’allais tout de même pas acheter des souris pour la nourrir !!! Puis, les années passèrent, et je récoltai de-ci, de-là, quelques reptiles et batraciens pour mon plaisir. Note que j’ai aussi chassé également les papillons et me suis intéressé très tôt aux insectes de toutes sortes !

Vers 17 ans, je me suis tourné vers la terrariophilie « exotique »:  j’eus jusqu’à 150 serpents venimeux de toute sorte (crotales, cobras, vipères), quelques amphibiens qui étaient tous logés dans une pièce au premier étage de la maison familiale, ainsi que dans ma chambre. Il est arrivé à mes parents de ramasser une vipère échappée dans les escaliers, de trouver un varan du Nil dans les rosiers ou un python réticulé derrière le placard de la cuisine…
Vers 20 ans, mon intérêt se porta vers la musique et je n’avais plus guère le temps de m’occuper de mes animaux; je décidai alors de m’en séparer. Il y a 18 ans, le virus m’envahit à nouveau lors d’un voyage à Chypre: je ramenai quelques agames (Laudakia stellio) à la maison. Puis, petit à petit, j’eus de plus en plus de terrariums. Actuellement,  j’ai complètement abandonné la terrariophilie et me consacre à l’observation le plus possible « in situ », c’est à dire sans déranger l’animal ou en le dérangeant le moins possible, ce qui n’est pas simple suivant l’espèce.

Quelles ont été tes premières reproductions?

A l’époque, la terrariophilie en était à ses balbutiements: les premières reproductions étaient rares, les troubles alimentaires des reptiles en captivité fréquents. Il est clair que j’ai fait passablement d’erreurs, que je n’avais pas beaucoup de connaissances dans les maladies et leurs soins et que nombre d’animaux captifs mouraient à cause de cela.
La reproduction n’a jamais été un de mes objectifs prioritaires: il y a 50 ans, celle-ci se réalisait tout à fait par hasard. Maintenant que j’ai la possibilité de reproduire tous mes reptiles, je ne le fais pas car il y a bien assez (même trop) d’éleveurs compétents et trop d’animaux sur le commerce. L’élevage demande du temps et coûte cher; en plus, avec les reptiles d’élevage des pays de l’est qui « cassent » les prix, je ne trouve plus d’acquéreurs pour un prix qui ne rembourserait même pas le 10ème de l’alimentation des jeunes.
Le délire vient également des Etats-Unis qui effectuent des sélections, des croisements afin d’obtenir des coloris quasiment psychédéliques!!! Plus personne actuellement ne s’intéresse aux geckos léopards dits « standards »: la clientèle veut du « ghost », du « spécial clair, rosé aux taches brunes », du « High yellow », du « very très chouette qui coûte cher » etc… Alors, j’ai tout simplement renoncé. L’herpétologie est une passion, un hobby, je me refuse à devenir commerçant. A noter que ce paragraphe était valide il y a quelques années, je le laisse ici car il a fait partie de ma biographie.

Racontes-nous ton tout premier coup de cœur….

Mon premier coup de cœur? Je crois que c’est le jour où j’ai eu un crapaud cornu d’Asie (Megophrys nasuta): ma pièce à bestioles ayant déménagé à la cave, ce rigolo « beuglait » toute la nuit et on l’entendait jusqu’au 2ème étage!! Mon deuxième fut la recherche de salamandres (Salamandra salamandra fastuosa) la plus belle de France, de couleurs exceptionnelles dans les Hautes-Pyrénées en 1990, vers trois heures du matin, accompagné par le chant de la chouette hulotte, alors qu’il y en avait des centaines sur les chemins forestiers.
Mon dernier: avec mon fils, à Chypre, au clair de lune, près d’un barrage: le chant du hibou petit-duc accompagnait celui des crapauds verts. C’était en 2001. Depuis, mes coups de cœur se découvrent et se vivent au fil des chemins, des rencontres, des découvertes de paysages, d’animaux, d’ambiances crépusculaires particulièrement.

Tes premiers bobos, j’entends par là, d’éventuelles morsures, en as-tu eu et en quelles circonstances?

Ma première morsure fut celle d’une vipère péliade (Vipera berus) alors que je lui taquinais le bout du nez…sans commentaire…Je me suis rendu à une permanence médicale où ils ont fait l’énorme erreur de m’administrer double dose de sérum antivenimeux, sans conséquence. Aujourd’hui le sérum n’est plus donné pour les morsures de venimeux européens, sauf exception, car on s’est aperçu qu’il y avait plus de danger face aux risques allergiques dus au sérum qu’aux conséquences du venin.
La morsure suivante fut celle d’un mocassin à tête cuivrée (Agkistrodon contortrix), crotaliné d’Amérique du nord), alors que je nettoyais le terrarium. J’ai été quitte de passer la nuit à l’hôpital en surveillance, avec perfusion et traitement antalgique. Si la morsure de ce serpent n’est pas très dangereuse, elle est par contre extrêmement douloureuse. La dernière de mes inconsciences adolescentes a été de me faire mordre volontairement par une jeune vipère des pyramides (Echis carinatus) au venin très toxique, juste « pour voir ce que cela faisait »!!! Foldingot le Pierre-Yves? A l’époque, certainement. La seule issue de cette morsure fut une main enflée.
Le pire « gag » que j’aie fait: ramener deux crocos d’un mètre cinquante et de les installer dans ma baignoire…Si vous aviez vu la tête de ma mère! Note qu’ils n’ont pas fait une semaine à la maison et ont écoulés leurs vieux jours dans un vivarium.

La dernière question: si tu pouvais changer quelque chose, sachant tes connaissances actuelles, que voudrais-tu changer, que souhaiterais-tu faire ou refaire?

Des études de biologie, mais le labo ne m’intéresse pas. Je ne suis pas né à la bonne période: j’aurais voulu explorer la nature à la recherche de nouvelles espèces, si il y en a encore à découvrir avant qu’elles ne disparaissent, et les décrire comme l’ont fait les naturalistes du siècle passé. Conseil absolu pour les personnes détenant des reptiles ou batraciens: ne jamais faire cohabiter deux espèces différentes en terrarium, même si elles vivent de manière proche dans la nature et ne jamais oublier que ce qui se passe dans la nature ne peut pas être recréé en terrarium.

Pierre-Yves Vaucher